La Loreley - Guillaume Appollinaire
À Bacharach il y avait une sorcière blonde
Qui laissait mourir d'amour tous les hommes à la ronde
Devant son tribunal l'évêque la fit citer
D'avance il l'absolvit à cause de sa beauté
Ô belle Loreley aux yeux pleins de pierreries
De quel magicien tiens-tu ta sorcellerie
Je suis lasse de vivre et mes yeux sont maudits
Ceux qui m'ont regardée évêque en ont péri
Mes yeux ce sont des flammes et non des pierreries
Jetez jetez aux flammes cette sorcellerie
Je flambe dans ces flammes ô belle Loreley
Qu'un autre te condamne tu m'as ensorcelé
Evêque vous riez Priez plutôt pour moi la Vierge
Faites-moi donc mourir et que Dieu vous protège
Mon amant est parti pour un pays lointain
Faites-moi donc mourir puisque je n'aime rien
Mon cœur me fait si mal il faut bien que je meure
Si je me regardais il faudrait que j'en meure
Mon cœur me fait si mal depuis qu'il n'est plus là
Mon cœur me fit si mal du jour où il s'en alla
L'évêque fit venir trois chevaliers avec leurs lances
Menez jusqu'au couvent cette femme en démence
Va-t-en Lore en folie va Lore aux yeux tremblant
Tu seras une nonne vêtue de noir et blanc
Puis ils s'en allèrent sur la route tous les quatre
La Loreley les implorait et ses yeux brillaient comme des astres
Chevaliers laissez-moi monter sur ce rocher si haut
Pour voir une fois encore mon beau château
Pour me mirer une fois encore dans le fleuve
Puis j'irai au couvent des vierges et des veuves
Là haut le vent tordait ses cheveux déroulés
Les chevaliers criaient Loreley Loreley
Tout là bas sur le Rhin s'en vient une nacelle
Et mon amant s'y tient il m'a vue il m'appelle
Mon cœur devient si doux c'est mon amant qui vient
Elle se penche alors et tombe dans le Rhin
Pour avoir vu dans l'eau la belle Loreley
Ses yeux couleur du Rhin ses cheveux de soleil
Concerto d'Aranjuez - John Williams
Vuelvo aquí |
Je reviens ici |
Paloma San Basilio - Concierto de Aranjuez
Ich beghere Dich
Bien Aimé, je te désire
Comme le Soleil désire la Lune
qui connaît l'azur du jour
et la nuit étoilée
Comme le Sable, l'Eau
qui caresse les nues
et abreuve chacun de ses grains
Comme la Pierre, le Vent
qui chevauche ton souffle
et effleure ses formes.
Dans la nuit de l'oubli
Tu es le phare garant des brisants,
corne de brume dans le brouillard
appelant les errants.
Tu es brasier dans un désert glacé
dont la rouge lumière
offre chaleur et réconfort
à mon cœur moribond.
J'ai besoin de tes mains
pour rassembler mon âme,
j'ai besoin de Ton souffle
pour ranimer mon Être,
j'ai besoin de tes mots
pour me créer.
La nuit étoiléepar un carreau découvertentre dans
La nuit étoilée
par un carreau découvert
entre dans mon cœur
Matière de Bretagne - Paul Celan
Lumière de genêt, jaune, les pentes
suppurent vers le ciel, l'épine
courtise la plaie, cela
sonne là-dedans, c'est le soir, le néant
roule ses mers à la prière,
la voile de sang fait route vers toi.
Sec, envasé,
le lit derrière toi, enjonque
son heure, en haut,
près de l'étoile, les ruisselets
laiteux babillent dans la boue, datte de pierre
en contrebas, buissonnante, bée dans le bleu,
un arbrisseau d'éphémère, superbe,
salue ta mémoire.
(Me connaissiez-vous,
mains ? J'allai
le chemin fourchu que vous marquiez, ma
bouche crachait ses galets, j'allai,
mon temps, surplomb neigeux en marche,
jetait son ombre – me connaissez-vous ?)
Mains, la plaie
courtisée par l'épine, cela sonne,
mains, le néant, ses mers,
mains, dans la lumière de genêt, la
voile de sang
fait route vers toi.
L'Amour est la Mort
Mon âme se souvient des lendemains,
mon cœur rêve des hiers à venir
mais j'ai oublié
le présent que Tu m'avais offert.
La mort m'a tout donné
et la vie recompose un Amour
fané par des pensées
emportées dans le vent.
Qui me dira où Te trouver
quand pleurent les cœurs,
quand hurlent les esprits
dans le vacarme des armes ?
Déesses et dieux de l'absurde
moissonnent les hommes et les femmes
et fauchent les enfants.
Les printemps sont sanglants
qui oublient les fleurs du temps passé,
les couleurs pastel des révolutions.
Rouge et noir se côtoient,
la terre se noie dans les cris.
Qui me dira où Te trouver
quand pleure mon cœur
de ne pouvoir d'un poing rageur
faire taire l'indifférence ?
Tu me manques, Bien Aimé
et Tu manques à la Terre et au Ciel.
La nuit ne brille plus
car elle n'enfante plus le jour.
Tu me manques, mon Ami,
Toi qui prenais ma main
et soufflais la lumière, comme un verrier
pour allumer le soleil.
Tu me manques, Petite Sœur.
Au fil des heures passées Tu m'avais révélé
les Mystères d'Éleusis :
L'Amour et la Mort ne font qu'un.
Bien Aimé, la Mort s'est détournée
puisqu'elle m'a tout donné
et l'Amour m'a brûlée.
Mon âme n'est plus que cendre.
A la fin du jourd'or et d'argent sont les
A la fin du jour
d'or et d'argent sont les nues.
Envol de mon cœur
Beautiful maladies - Leonard Ancuta
il n’y a aucun mot dans cette langue pour pouvoir dire
ce que je ressens.
sur les bords de la route un champ immense de tournesol
aux tiges asséchées, aux capitules tombées, toutes alignées dans la même direction
comme une immense démonstration faite par des aïeules décrépites, mourant de faim,
malades, comme une histoire de la douleur de l’origine au futur
qui englobe chacun de nous.
ensuite, une chienne écrasée par un poids-lourd, placardée sur l’asphalte comme une affiche
et un chiot qui attend aux yeux humides et patients d’animal,
qui guette le moment où des profondeurs de la chaussée montera à la surface
cette chose qui donne du volume aux corps, cette chose qui gonfle la peau, le thorax,
et qui nous fait respirer, nous bobine l’émotion dans une boule autobloquante
— le chiot attendait,
le corps écrabouillé sur l’asphalte ne se remplissait pas ni ne s’élevait.
j’ai traversé une seconde aussi longue qu’une vie, durant laquelle j’ai eu l’impression
que le temps n’existait pas et que j’étais malade
de la maladie la plus attirante de l’univers.
toutes les molécules de carbone de mon corps se décollent une à une
dans des fragments infimes de solitude et d’impuissance
et l’oxygène se libère tout seul comme les chevaux d’une machine à rêver des chevaux,
tous les animaux me paraissent petits
cette année.
Dans ma tête le nombre de choses dont je me souviens devient
inférieur au nombre de celles que j’oublie.
depuis quelque temps j’enterre
toujours plus de moi-même.
il n’y a pas de mots dans cette langue pour dire la même chose
que mon œil gauche dit à mon œil droit quand ils se ferment
dans la même seconde,
et en moi un immense excavateur déplace des pièces de mon corps
du passé
vers demain.
le méthane s’élève d’une tache sur la route qui était autrefois un chien,
de moi jaillit un arbre
où personne ne peut grimper.
Traduit du roumain par BogdanȚopan
nu există nici un cuvînt în această limbă care să spună ce simt.
pe marginea drumului un cîmp imens de floarea soarelui
cu vrejurile uscate, cu pălăriile în pămînt, toate aliniate în aceeași direcție
ca o imensă demonstrație a unor băbuțe decrepite, moarte de foame
bolnave, ca o istorie a durerii de la origini și pînă în viitor
care ne cuprinde pe toți.
apoi o cățea călcată de un camion greu, întinsă pe asfalt asemenea unui poster
și un cățeluș care așteaptă cu ochi umezi și răbdători de animal
pîndește momentul în care din străfundul șoselei va ieși la suprafață
lucrul ce dă volum trupurilor, acel ceva care umple pielea, toracele
și care ne face să respirăm, să ne strînge emoția într-un ghem autoblocant,
cățelul aștepta,
trupul făcut una cu asfaltul nu se umplea, nu se ridica.
am traversat o secundă lungă cît o viață în care am avut impresia
că timpul nu există și că sunt bolnav
de cea mai atrăgătoare boală din univers.
toate moleculele de carbon din trupul meu se dezlipesc una
cîte una în fragmente infime de singurătate și neputință
iar oxigenul se eliberează singur asemenea cailor dintr-o mașină de visat cai
toate animalele îmi par mai mici
anul acesta.
în mintea mea numărul lucrurilor pe care mi le aduc aminte a început
să fie mai mic decît al celor uitate.
de la o vreme îngrop
tot mai mult din mine.
nu există cuvinte în limba aceasta care să spună același lucru
pe care îl spune ochiul stîng celui drept atunci cînd se închid
în aceeași secundă
și în mine e un excavator imens, mută bucăți din trupul meu
din trecut
înspre mîine.
gazul metan se ridică de pe șosea dintr-o pată care cîndva a fost cîine
din mine răsare un copac
în care nu se poate urca nimeni.