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Esprits-rebelles
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7 septembre 2013

Attente

A mes oreilles parvient le bruit des pas perdus de ces milliers de vie qui hantent cette gare, la traversent courant après un train, après un rendez-vous, le temps de n’être pas. Je les observe, sourire crispé, les poings serrés, le pas pressé et au milieu de tout ce brouhaha : lui. Voilà que tout d’un coup tout disparaît, je n’entends plus que son silence, je ne vois plus que son attente. Sourire béat. Il est comme en dehors, hors l’agitation de ces milliers de fourmis qui vont et viennent.

En bruit de fond, un train est annoncé. Interrogeant la foule anonyme qui se divise sur lui, il cherche son cadeau. Brillant d’une joie enfantine, ses yeux défont les ombres des silhouettes, fouillent, déballent fiévreusement les visages. Aucun n’est celui qu’il espère. Je m’attends à voir la déception éteindre son regard. Il n’en est rien. La joie est toujours là. Joie du cœur tendu par delà l’espace et qui étreint déjà l’être aimé.

Je me surprends à attendre avec lui, à guetter moi aussi, à chaque déferlement de voyageurs, celui ou celle qui a fait naître cette lueur. Plus rien n’existe. La gare, la foule, le bruit, tout s’enfuit ! Ne reste que ce sourire et cette attente.

Mes yeux s’attachent à lui tant je crains de voir chaque marée humaine le dérober à ma vue. Parfois nos regards se croisent. Je me détourne avec pudeur, gênée de pénétrer l’intimité de cet instant.

Des trains arrivent et repartent, crachant et avalant leur ration de passagers errants, celui tant attendu demeure dans un ailleurs sur les rails du temps qui s’étire sans fin. Une ombre d’inquiétude passe sur son visage, le sourire s’éteint ; il se détourne et se laisse engloutir par la marée suivante. Je ferme mon cœur à la déception et conserve son sourire et le bonheur qui était peint sur son visage.

Allées et venues, flux et reflux au gré des retards, des changements annoncés par la voix métallique d’une hôtesse invisible. Je l’écoute d’une oreille distraite pour savoir si je dois suivre le prochain courant afin de continuer mon voyage.

Sans grand espoir, je cherche, presque malgré moi, le jeune homme. L’attente devient morne, la gare bruyante. Une impatience me gagne, je me surprends à regarder fréquemment et nerveusement la pendule du hall et les panneaux où s’affichent les trains au départ.

Absurdité. L’heure arrive toujours lorsque le moment est venu. Ni avant, ni après. Les aiguilles du grand cadran de l’horloge ne changent pas le temps. Mon cœur continue de se tendre, ici et là, dans une espérance illusoire. Un flot de voyageurs plus important que les précédents déferle des quais au-dessus de nous et inonde la gare, noyée en quelques minutes par une marée humaine multicolore, de tous âges. Soudain, je les vois : deux amis,  deux frères, deux cœurs qui se retrouvent, s’embrassent, s’étreignent ; rayon de bonheur trouant un instant la nuée houleuse qui se referme déjà sur eux.

Au-dessus, les tableaux mis à jour  m’annoncent que l’heure est venue.

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Commentaires
E
J'aime bien ton histoire, anecdote.<br /> <br /> Par rapport au sujet que nous traitons, je dirais que ton esprit s'est laissé<br /> <br /> entraîner, distraire, par ce jeune homme... (Ce n'est pas une critique, juste un constat). Ce contretemps a permis cette "évasion" du temps, cette rencontre.<br /> <br /> Tu as écrit ensuite "dans une espérance illusoire"...<br /> <br /> ;))
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La poésie est un chant et une parole.
C'est une parole qui parle à la parole de l'homme et qui permet, si elle est entendue, la part miraculeuse de l'existence - Gabriel Mwènè Okoundji -



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