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Esprits-rebelles
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18 octobre 2015

Mirage - Myriam Amoros

Je vis dans des parages que tu ne supposes pas
Fleur de papier, escargot, mimosas,
Un lieu où l'onde d'eau à l'air répond, s'enflamme,
Où les brasiers se cherchent contre les fronts liquides,
Où la chaleur est tout à la fraîcheur mêlée.

Je vis dans un espace où le réel n'est pas.
Contrebande d'enfance, berlingot, chocolat,
Un pays de l'envers où rien n'est à l'endroit,
Le pays des merveilles où Alice raisonne,
Où le temps fatigué suspend soudain sa course,
Attendant le pressé qui le détachera.

Je vis dans un jardin où la rêverie s'envoie,
Fraises mûres éclatées, points-virgules, fins nougats,
Rare coin embaumé d'herbes hautes et de terre
Où chaque pas marché parfume l'influence
Réveillant la nervure de ce qui n'existe pas.

                                                                © Myriam Amoros

 

 

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18 septembre 2015

Le cimetière marin - Paul Valéry

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;
Midi le juste y compose de feux
La mer, la mer, toujours recommencée
O récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux !

Quel pur travail de fins éclairs consume
Maint diamant d'imperceptible écume,
Et quelle paix semble se concevoir !
Quand sur l'abîme un soleil se repose,
Ouvrages purs d'une éternelle cause,
Le temps scintille et le songe est savoir.

Stable trésor, temple simple à Minerve,
Masse de calme, et visible réserve,
Eau sourcilleuse, Oeil qui gardes en toi
Tant de sommeil sous une voile de flamme,
O mon silence! . . . Édifice dans l'âme,
Mais comble d'or aux mille tuiles, Toit !

Temple du Temps, qu'un seul soupir résume,
À ce point pur je monte et m'accoutume,
Tout entouré de mon regard marin ;
Et comme aux dieux mon offrande suprême,
La scintillation sereine sème
Sur l'altitude un dédain souverain.

Comme le fruit se fond en jouissance,
Comme en délice il change son absence
Dans une bouche où sa forme se meurt,
Je hume ici ma future fumée,
Et le ciel chante à l'âme consumée
Le changement des rives en rumeur.

Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change !
Après tant d'orgueil, après tant d'étrange
Oisiveté, mais pleine de pouvoir,
Je m'abandonne à ce brillant espace,
Sur les maisons des morts mon ombre passe
Qui m'apprivoise à son frêle mouvoir.

L'âme exposée aux torches du solstice,
Je te soutiens, admirable justice
De la lumière aux armes sans pitié !
Je te tends pure à ta place première,
Regarde-toi ! . . . Mais rendre la lumière
Suppose d'ombre une morne moitié.

O pour moi seul, à moi seul, en moi-même,
Auprès d'un coeur, aux sources du poème,
Entre le vide et l'événement pur,
J'attends l'écho de ma grandeur interne,
Amère, sombre, et sonore citerne,
Sonnant dans l'âme un creux toujours futur !

Sais-tu, fausse captive des feuillages,
Golfe mangeur de ces maigres grillages,
Sur mes yeux clos, secrets éblouissants,
Quel corps me traîne à sa fin paresseuse,
Quel front l'attire à cette terre osseuse ?
Une étincelle y pense à mes absents.

Fermé, sacré, plein d'un feu sans matière,
Fragment terrestre offert à la lumière,
Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux,
Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres,
Où tant de marbre est tremblant sur tant d'ombres ;
La mer fidèle y dort sur mes tombeaux !

Chienne splendide, écarte l'idolâtre !
Quand solitaire au sourire de pâtre,
Je pais longtemps, moutons mystérieux,
Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Éloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux !

Ici venu, l'avenir est paresse.
L'insecte net gratte la sécheresse ;
Tout est brûlé, défait, reçu dans l'air
A je ne sais quelle sévère essence . . .
La vie est vaste, étant ivre d'absence,
Et l'amertume est douce, et l'esprit clair.

Les morts cachés sont bien dans cette terre
Qui les réchauffe et sèche leur mystère.
Midi là-haut, Midi sans mouvement
En soi se pense et convient à soi-même
Tête complète et parfait diadème,
Je suis en toi le secret changement.

Tu n'as que moi pour contenir tes craintes !
Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes
Sont le défaut de ton grand diamant ! . . .
Mais dans leur nuit toute lourde de marbres,
Un peuple vague aux racines des arbres
A pris déjà ton parti lentement.

Ils ont fondu dans une absence épaisse,
L'argile rouge a bu la blanche espèce,
Le don de vivre a passé dans les fleurs !
Où sont des morts les phrases familières,
L'art personnel, les âmes singulières ?
La larve file où se formaient les pleurs.

Les cris aigus des filles chatouillées,
Les yeux, les dents, les paupières mouillées,
Le sein charmant qui joue avec le feu,
Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent,
Les derniers dons, les doigts qui les défendent,
Tout va sous terre et rentre dans le jeu !

Et vous, grande âme, espérez-vous un songe
Qui n'aura plus ces couleurs de mensonge
Qu'aux yeux de chair l'onde et l'or font ici ?
Chanterez-vous quand serez vaporeuse ?
Allez ! Tout fuit ! Ma présence est poreuse,
La sainte impatience meurt aussi !

Maigre immortalité noire et dorée,
Consolatrice affreusement laurée,
Qui de la mort fais un sein maternel,
Le beau mensonge et la pieuse ruse !
Qui ne connaît, et qui ne les refuse,
Ce crâne vide et ce rire éternel !

Pères profonds, têtes inhabitées,
Qui sous le poids de tant de pelletées,
Êtes la terre et confondez nos pas,
Le vrai rongeur, le ver irréfutable
N'est point pour vous qui dormez sous la table,
Il vit de vie, il ne me quitte pas !

Amour, peut-être, ou de moi-même haine ?
Sa dent secrète est de moi si prochaine
Que tous les noms lui peuvent convenir !
Qu'importe ! Il voit, il veut, il songe, il touche !
Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche,
À ce vivant je vis d'appartenir !

Zénon ! Cruel Zénon ! Zénon d'Êlée !
M'as-tu percé de cette flèche ailée
Qui vibre, vole, et qui ne vole pas !
Le son m'enfante et la flèche me tue !
Ah ! le soleil . . . Quelle ombre de tortue
Pour l'âme, Achille immobile à grands pas!

Non, non ! . . . Debout ! Dans l'ère successive !
Brisez, mon corps, cette forme pensive !
Buvez, mon sein, la naissance du vent !
Une fraîcheur, de la mer exhalée,
Me rend mon âme . . . O puissance salée !
Courons à l'onde en rejaillir vivant.

Oui ! grande mer de délires douée,
Peau de panthère et chlamyde trouée,
De mille et mille idoles du soleil,
Hydre absolue, ivre de ta chair bleue,
Qui te remords l'étincelante queue
Dans un tumulte au silence pareil

Le vent se lève ! . . . il faut tenter de vivre !
L'air immense ouvre et referme mon livre,
La vague en poudre ose jaillir des rocs !
Envolez-vous, pages tout éblouies !
Rompez, vagues ! Rompez d'eaux réjouies
Ce toit tranquille où picoraient des focs !

4 septembre 2015

Les Pas - Paul Valery

Tes pas, enfants de mon silence,
Saintement, lentement placés,
Vers le lit de ma vigilance
Procèdent muets et glacés.

Personne pure, ombre divine,
Qu'ils sont doux, tes pas retenus !
Dieux !... tous les dons que je devine
Viennent à moi sur ces pieds nus !

Si, de tes lèvres avancées,
Tu prépares pour l'apaiser,
À l'habitant de mes pensées
La nourriture d'un baiser,

Ne hâte pas cet acte tendre,
Douceur d'être et de n'être pas,
Car j'ai vécu de vous attendre,
Et mon cœur n'était que vos pas.

 

 

17 juillet 2015

Âmes assoiffées

Les âmes assoiffées
exsangues de ciel
puisent au cœur du vent.
Par l'abyme d'un naître,
L'or de la Déesse
s'échappe d'un cœur
au fil d'une aube
ruisselante.

                                         Alcyan

 

 

 

 

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L'Epave - Léoncio Harmr

 

7 juillet 2015

Terres inconnues

aux frontières de la folie
le cerveau déploie ses facultés
tatouages étranges
âme daltonienne
ironie du présent
fable inquiétante

Je regarde le monde
avec les yeux d’un séraphin
les couleurs se mélangent
se blessent
Je régurgite la douleur
de mes aïeux

J’erre parmi les autres
en sursis
une fine pluie dorée
tombe sur mes rêves

je suis le gouffre
du monde sans fin

                                   © Sybille Rembard

 

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2 juillet 2015

Absence

Une brume vaporeuse nimbe mes souvenirs,
Le flou de ton visage se dilue dans le néant.
Je crache ma douleur au visage de ton absence
Et cherche ton sourire en chacune de mes errances.
On dit que le temps se lasse,
On dit que le temps guérit.
Moi je regarde les oiseaux qui passent
Et se cachent pour mourir,
Agonisants du manque, la chair à nu.
Ô temps, ton vol n’est toujours pas suspendu.
Nous avions encore tant à nous dire
Tant de rêves, de mots contenus
Qui s’envolent au firmament
D’un crépuscule évanescent.

 Monique Bousch - Poussière d’étoile                         

 

 

passage_d_une_poussiere_d_etoile
Christele AJ - Passage d'une poussière d'étoile

 

24 juin 2015

Poème IV - Pablo Neruda

C'est le matin plein de tempête
au coeur de l'été.

Mouchoirs blancs de l'adieu, les nuages voltigent,
et le vent les secoue de ses mains voyageuses.

Innombrable, le coeur du vent
bat sur notre amoureux silence.

Orchestral et divin, bourdonnant dans les arbres,
comme une langue emplie de guerres et de chants.

Vent, rapide voleur qui enlève les feuilles,
et déviant la flèche battante des oiseaux,

les renverse dans une vague sans écume,
substance devenue sans poids, feux qui s'inclinent.

Volume de baisers englouti et brisé
que le vent de l'été vient combattre à la porte.

 

Es la mañana llena de tempestad 
en el corazón del verano. 

Como pañuelos blancos de adiós viajan las nubes, 
el viento las sacude con sus viajeras manos. 

Innumerable corazón del viento 
latiendo sobre nuestro silencio enamorado. 

Zumbando entre los árboles, orquestal y divino, 
como una lengua llena de guerras y de cantos. 

Viento que lleva en rápido robo la hojarasca 
y desvía las flechas latientes de los pájaros. 

Viento que la derriba en ola sin espuma 
y sustancia sin peso, y fuegos inclinados. 

Se rompe y se sumerge su volumen de besos 
combatido en la puerta del viento del verano.

Source : http://www.pierdelune.com/neruda3.htm

 

 

 

23 juin 2015

J'ai rêvé d'une vieQui illuminerait mon chemin

J'ai rêvé d'une vie
Qui illuminerait mon chemin comme
On se sert d'une baguette magique
D'une main tremblotante

Danièle Fournier

22 juin 2015

Le long d'un amour

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Un visage
Traversé
Par hasard
Désormais
unique

Un visage
Reconnu
Entre tous
Désormais
unique

L’univers
Répondant
À un nom
Prend visage
et sens

Où tu es
Ou n’es pas
Tout n’est plus
Que présence
absence

François Cheng

Image : https://www.flickr.com/

 

 

2 juin 2015

Larmes de soleil

Ephémère, inoubliable,
une rose lui battait dans la poitrine
le matin où la foudre est tombée sur ce cœur
La pluie a ressemblée aux larmes du soleil.

Henri Pichette

 

Aube nue
Photo : Phatpuppy Art

 

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La poésie est un chant et une parole.
C'est une parole qui parle à la parole de l'homme et qui permet, si elle est entendue, la part miraculeuse de l'existence - Gabriel Mwènè Okoundji -



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