Vieillesse du jour
La nuit n'est pas tout à fait là.
Le ciel se teinte encore d'opaline,
de tourmaline.
Sur la ligne d'horizon
où s'éloignent les tourments,
où disparaissent les pas des rêveurs
derrière le halo mouvant
de phares qui ne gardent rien,
doucement la terre se replie,
les étoiles se déplient
et les pensées s'enfoncent dans le flot noir
s'écoulant de l'orient.
La campagne s'y noie,
maisons, arbres, êtres vivants ou morts
tout s'efface.
Ici et là des îlots de clarté,
des lucioles égarées époumonent la vie.
La nuit s'est posée et dérobe à la vue
l'eau pale de l'horizon
où s'en allait le ruban gris de la route.
Où s'en va-t-il maintenant ?
Derrière la lumière des lampadaires
l'obscurité dissimule l'éclat
de l'azur où les astres s'unissent.
Demain s'endort
en rêvant de sa jeunesse d'hier,
tandis qu'aujourd'hui ploie
sous le poids des heures écoulées,
sous le fardeau de ceux
dont les yeux s'ouvrent dans le cieux.
Fatigué, comme on s'appuie sur une canne,
le jour s'appuie sur les feux aveuglants
qui percent les ténèbres,
ici et là,
lorsqu'une ville paraît.
Mais, irrésistiblement il décline,
la vieillesse le poursuit.
Au fil de la route, les lueurs s'éteignent
et le jour succombe
laissant derrière lui des souvenirs brillants
sur la voûte noire qui recouvre la terre.