La transe légère
Il faudrait pouvoir donner la parole au pain ranci dans tes poches et à tes lèvres gercées par la froidure du monde. Il faudrait délivrer la musique des violoncelles pour qu’elle défonce l’argot du monde et le traduise en un hymne universel. Les frissons de peau ne poussent pas dans les usines à calibrage. Il ne suffit pas de conjurer le sort pour voir naître les fleurs qui poussent dans le ciel. Les rencontres sont des portes qui s’ouvrent.
La paix que j’endure au fond de mon être est dérisoire les soirs de pleine lune, elle est extravagante les jours d’inondation. Ma récolte est une vrille enfoncée dans la terre, mon panier est une couche où pourrissent les fruits mûrs. Mes concerts, je les emporte comme une crème apaisante sur les tonneaux de mes ivresses. Je n’ai plus la soif des terres arides. Je cède à l’amour parce qu’il ne transige pas avec le langage. C’est le seul à jouer des instruments où le vent s’engouffre. Je suis candide comme la rosée qui n’a pas connu l’évaporation. Je marche sur la lune, la tête envolée sur des partitions défiant les notes que les hommes fredonnent. Je suis blotti dans le murmure des corps qui s’étreignent sans restriction.
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Bruno Odile - L'Amour, ce désastre indispensable.