Parle, toi aussi - Paul Celan
Sprich auch du,
sprich als letzter,
sag deinen Spruch.
Sprich –
Doch scheide das Nein nicht vom Ja.
Gib deinem Spruch auch den Sinn :
gib ihm den Schatten.
Gib ihm Schatten genug,
gib ihm so viel,
als du um dich verteilt weißt zwischen
Mittnacht und Mittag und Mittnacht.
Blicke umher :
sieh, wie’s lebendig wird rings –
Beim Tode ! Lebendig !
Wahr spricht, wer Schatten spricht.
Nun aber schrumpft der Ort, wo du stehst :
Wohin jetzt, Schattenentblößter, wohin ?
Steige. Taste empor.
Dünner wirst du, unkenntlicher, feiner !
Feiner : ein Faden,
an dem er herabwill, der Stern :
um unten zu schwimmen, unten,
wo er sich schimmern sieht : in der Dünung
wandernder Worte.
Parle toi aussi
parle comme le dernier
dis ton messageParle -
Mais ne sépare pas le oui du non
Donne aussi du sens à ton message :
donne lui l’ombre.Donne-lui assez d’ombre,
donne-lui en tant
que tu en sais autour de toi partagée
entre minuit et midi et minuit.Regarde alentour,
vois, comment ce qui t’entoure devient vivant -
Par la mort ! Vivant !
Celui -là dit vrai, qui parle d’ombre.
Mais voici que s’étiole l’endroit où tu es ;Maintenant où aller, à découvert d’ombre, où aller ?
Monte. vers le haut en tâtonnant.
Plus grêle tu deviens, plus méconnaissable, plus fin !
Plus fin : un fil,
où l’étoile veut descendre :
pour nager en bas, tout en bas,
là où elle se voit luire : dans la houle
des mots errants.
Il faut pour éclairer autrui trouver en soi la
Il faut pour éclairer autrui trouver en soi la lumière ; pour abriter, déployer l'ombre ; pour relever, se tenir debout.
Ainsi l'autre est celui qui révèle la lumière, dévoile l'ombre et oblige à s'élever.
Dieu est le Dieu du présent. Tel il te trouve,
Dieu est le Dieu du présent. Tel il te trouve, tel il te prend et t'accueille, non ce que tu as été, mais ce que tu es maintenant.
Maître Eckart
Aux crépuscules, point de soleil ni de lune.Le
Aux crépuscules, point de soleil ni de lune.
Le ciel, discrètement sur eux, a tendu un voile.
D'un clin d'œil ravageur le soleil a fait pâlir
D'un clin d'œil ravageur le soleil a fait pâlir la lune.
Déconcertée, elle s'est cachée derrière la colline.
Vor einer Kerze - Paul Celan
J’ai façonné d’or repoussé, comme
tu me l’avais, mère, expressément ordonné,
le chandelier d’où
elle me submerge peu à peu d’obscur au milleu
d’heures qui se brisent en miettes :
la fille de ton
être-morte.
Svelte, élancée,
ombre mince aux yeux amandes,
la bouche et le sexe
pris dans la danse d’une faune de sommeil,
elle se dégage légère de l’or béant,
monte vers le sommet
du crâne du Maintenant.
Par mes lèvres tendues
de nuit
je prononce la bénédiction :
Au nom des trois
qui se combattent jusqu’à
ce que le ciel plonge dans le tombeau des sentiments,
au nom des trois dont les anneaux
me brillent au doigt chaque fois
que dans le gouffre je dénoue les chevelures des arbres,
pour qu’un flux généreux fasse retentir l’abîme –,
au nom du premier des trois,
qui poussa un cri
quand il s’agit de vivre là où sa parole déjà, avant lui, avait été,
au nom du deuxième, qui regarda et pleura,
au nom du troisième qui met des pierres
blanches en tas au millieu –
je te dégage
de l’amen qui nous stupéfie,
de la lumière de glace qui le borde
là où il entre haut comme une tour dans la mer
là où la grise, la colombe
picore les noms
en deçà et au-delà du mourir :
tu restes, tu restes, tu restes
l’enfant d’une morte,
consacré au Non de ma désirance,
marié à une crevasse du temps
devant laquelle m’a conduit le mot-mère,
afin qu’une fois une seule
tremble soudain la main
qui ne cesse de m’étreindre le cœur !
Aus getriebenem Golde, so
wie du’s mir anbefahlst, Mutter,
formt ich den Leuchter, daraus
sie empor mir dunkelt inmitten
splitternder Stunden :
deines
Totseins Tochter.
Schlank von Gestalt,
ein schmaler, mandeläugiger Schatten,
Mund und Geschlecht
umtanzt von Schlummergetier,
entschwebt sie dem klaffenden Golde,
steigt sie hinan
zum Scheitel des Jetzt.
Mit nachtverhangnen
Lippen
sprech ich den Segen :
Im Namen der Drei,
die einander befehden, bis
der Himmel hinabtaucht ins Grab der Gefühle,
im Namen der Drei, deren Ringe
am Finger mir glänzen, sooft
ich den Bäumen im Abgrund das Haar lös,
auf daß die Tiefe durchrauscht sei von reicherer Flut –,
im Namen des ersten der Drei,
der aufschrie,
als es zu leben galt dort, wo vor ihm sein Wort schon gewesen,
im Namen des zweiten, der zusah und weinte,
im Namen des dritten, der weiße
Steine häuft in der Mitte, –
sprech ich dich frei
vom Amen, das uns übertäubt,
vom eisigen Licht, das es säumt,
da, wo es turmhoch ins Meer tritt,
da, wo die graue, die Taube
aufpickt die Namen
diesseits und jenseits des Sterbens :
Du bleibst, du bleibst, du bleibst
einer Toten Kind,
geweiht dem Nein meiner Sehnsucht,
vermählt einer Schrunde der Zeit,
vor die mich das Mutterwort führte,
auf daß ein einziges Mal
erzittre die Hand,
die je und je mir ans Herz greift !
D'une voix éraillée, le prêtre chante la prière.
D'une voix éraillée, le prêtre chante la prière.
Nulle fatigue dans le souffle qui la porte.
D'une œillade assassine, la lune a fait rougir le
D'une œillade assassine, la lune a fait rougir le soleil.
Intimidé, il s'est mussé derrière l'horizon.
Or blanc
Comme une lune pleine, un soleil d'or blanc
éveille un jour froid, sans ombres.
Dans le vallon, une brume bleuté s'effrange
comme une traîne d'âmes en peine.
L'air glacé pénétrant mes os fatigués
me fait tressaillir ou bien est-ce le chant de l'oiseau
au sortir de sa grotte ?
Je me tourne vers toi.
Hôte secret de mon cœur.
Sur le sentier blanchi par la nuit
les pas laissent une trace sombre,
mais l'herbe, soumise par leur passage,
respire la clarté de l'instant
et se redresse luisante de rosée.
Une corde se tend en moi,
vibrante d'un désir inexpliqué.
Je sens ton regard.
Saveur de miel.
Mes lèvres s'entrouvrent pour boire
l'hydromel capiteux de ton souffle.
Ô ivresse, je le sens s'emparer de mon âme,
je le sens m'inspirer,
je suffoque, deviens coupe à mon tour
dans laquelle tu te désaltères,
te délectes de ce nectar par toi vivifié.
Rêve poudré de lumière,
tu ruisselles dans mes veines.
Mon cœur frissonne, aiguilloné d'une froide brûlure.
L'astre pale s'élève dans le ciel
sans parvenir à faire naître les ombres.
L'hiver s'accroche à lui.
Mais la nature toute entière
chante le renouveau de son allégeance
à son feu grandissant.
Tendresse éclatante.
Je te sens près de moi
Les nuits à venir seront de plus en plus belles,
flamboyantes de la chaleur du jour,
rayonnantes d'étoiles qui se feront rivières
et la voie lactée se couvrira
du voile nitescent de nos songes.
Nos cœurs s'abreuveront à la source
de nos lèvres emperlées de baisers.