Feuilles mortes
Au milieu de nulle part,
se dresse un chêne,
centenaire au tronc rugueux.
Je l'ai longtemps prié
et je le prie encore
pour qu'il dresse bien haut
ses branches vers le ciel,
afin que les feuilles pendues
à ses ramures fières
s'envolent dans le vent.
Des confins de la terre,
où s'enracine le Centenaire,
jaillit un torrent fougueux,
impétueux et violent.
J'ai invoqué sa vaillance
et je l'invoque encore
pour qu'il ne cesse jamais de couler.
Pour que son courant roule
les pierres qui se sont abîmées
dans le fond de ses flots.
Sur les rives du fleuve
s'élève une montagne
dont la cime côtoie l'éther.
J'ai imploré sa hauteur
et je l'implore encore
afin qu'elle s'élève bien haut,
que ses sommets à-pic
tombent dans les combes,
dans la profondeurs des vallons
où les âmes s'effondrent.
Aux pieds de l'altière Bella Donna
s'étend une ombre en prière.
Je l'ai si souvent invité
et je l'invite encore
à ne pas voiler ses mystères,
à déchirer les ciels de nuit
d'où pourraient s'échapper
les larmes de l'empyrée,
diamants étincelant les regards
derrière les paupières fermées.
Tout près de l'ombre,
au milieu de nulle part,
j'ai prié la lumière
et je l'adjure encore
pour qu'elle se détourne un instant
et donne un peu de temps
au passeur et à sa lampe
pour traverser le néant
et conduire sur l'autre rive
les feuilles volant dans le vent.