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Esprits-rebelles
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3 juillet 2014

Rêverie de vieille chaise

Allongée sur une vieille chaise longue en osier, qui a connu des jours meilleurs et des jours pires aussi, remisée puis oubliée un temps parmi d’autres vieilleries, je me dis qu’il est des rencontres que l’on attendait pas et qui sont source de réconfort par le simple fait d’être là, quand d’autres interrogent ou dérangent.

Ainsi cette vieille chaise. Combien d’hommes et de femmes, d’enfants, a-t-elle accueilli entre ses bras ? Combien de rêves, combien d’histoires dessinées sur l’azur par des nimbus d’argent ou des barbes-à-papa ? Percée en maints endroits, elle n’en continue pas moins d’offrir le repos.

Les yeux mi-clos, je laisse mes pensées vagabonder sur les ailes d’un papillon, s’envoler sur le dos d’une tourterelle et dériver au gré de la brise jouant dans les feuilles d’un chêne. Quelques fourmis effrontées viennent me visiter, faisant naître un sourire en même temps qu’une question : quelle conscience aurais-je de ces fourmis si je ne les voyais pas ? Savent-elles les sensations que leurs mouvements, leurs déambulations provoquent ? Que savons-nous de l’autre ? Que sait-il de nous ? Peut-on éviter que la joie d’un émoi ne s’envole en laissant la place à d'amers regrets ?

La vieille dame gémit et craque sous mes mots. Souviens-toi, semble-t-elle me dire. Souviens-toi de ce pèlerin, venu de Birmingham, de l’émotion de cette rencontre un soir d’été, de ses rires éclaboussant vos vies, de sa foi éclairant votre nuit. Émoi éphémère glissant entre les doigts du temps dont il ne reste qu’une image, fleur de jasmin embaumant la mémoire.

Je sais, grand-mère, mais tu me connais, maintenant. J’ai suffisamment écrit et rêvé au creux de tes bras pour que tu saches mes craintes, mes songes déchirés, mes souvenirs blessés ! Parfois le cœur est si assoiffé qu’il prend le souffle du vent pour la voix de l’être aimé et entend les réponses à ses questions dans les craquements d’une vieille chaise. Un mot le touche ? Il n’est que pour lui, il oublie le monde autour, oublie les milliers d’autres qui écoutent. Une image l’émeut ? Elle n’est pour personne d’autre que lui, elle ne parle qu’à lui et le regard se fourvoie qui interprète les augures pour étancher une soif d’enfant, un désir adolescent.

A quelques pas de la chaise, une huppe s’est posée, déposant mes pensées. La plume en suspend, je savoure un moment le silence de l’esprit et écoute le babil constant du petit peuple du jardin. Aucunes questions, ni doutes, ni certitudes dans leurs bavardages. Durant un instant, j’oublie ce que j’ai semé par mes mots souvent inconsidérés. J’ignore les graines qu’ils contiennent. Fleurs ou chardons, belles pérennes ou aconit ? Par une étrange alchimie du cœur, certaines semences donnent ici des fruits sucrés, là des fruits amers, ici un germe de vérité et là une pousse d’illusion.

L’autre est un jardin dont il faut prendre soin, mais il faut se garder de croire que l’on en est le jardinier. Si la vieille chaise pouvait vraiment parler, peut-être me dirait-elle d'être attentive à ce qui est écrasé sous mes pieds, à ce qui est libéré par mes pas. Peut-être me dirait-elle que c'est pour cela qu'elle est chaise, parce qu'immobile, elle offre une assise et, les bras toujours tendus et ouverts, elle accueille tout ce qui advient.
Oui, mais moi, j'ai une plume au bout de mes doigts ! Alors
avant de souffler sur les mots, avant qu'ils ne prennent leur envol, j'écoute encore l'osier me dire les histoires contées par le vent.

  

97300864_o 

 

 

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La poésie est un chant et une parole.
C'est une parole qui parle à la parole de l'homme et qui permet, si elle est entendue, la part miraculeuse de l'existence - Gabriel Mwènè Okoundji -



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