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Esprits-rebelles
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5 septembre 2012

Le jardin

Il y a si longtemps que j’écris. Il y a si longtemps qu'il me lit. L'encre de mon cœur s'est déversée sur le papier ambré, sans faire de bruit, sans faire de fautes. Moi qui n'avais jamais rien dit ai laissé les mots s'écouler. Il les a recueillis, doucement, avec bienveillance, il a écouté tant et si bien que j’ai fini par ouvrir mon jardin. Timidement, avec circonspection je l’ai laissé entrer dans cet espace où fleurissent des senteurs d’autrefois, des variétés de simples, oubliées. Au début, il n’y avait que quelques pensées semées au gré du vent de mes tourments. Juste quelques pensées sauvages, si timides qu’on les voyait à peine. Il y avait aussi beaucoup de soucis et pas mal de mouron qui attirait les oiseaux.

J’aimais venir dans ce jardin. Il avait l’air abandonné avec ses herbes hautes mais certaines étaient si belles qu'on ne pouvait s'empêcher de les aimer et de leur sourire, de s'asseoir auprès des tabourets non loin des dames de onze heures qui tenaient compagnie. Il était entouré de haies épaisses qui dessinaient au fusain un coin d’intimité. J’avais pris l’habitude de venir m’y réfugier lorsque j’étais triste ou bien préoccupée. Perdu au milieu de nulle part, à l’abri des regards, il offrait un réconfort que je ne trouvais pas dans les beaux jardins aux parterres soigneusement désherbés, fleuris d’espèces sophistiquées aux couleurs éclatantes et au parfum inexistant. Là, les pois de senteurs côtoyaient les ronces et se jouant des noires épines, ils envahissaient la haie et répandaient leur parfum lourd et entêtant l’été durant.

Nul bruit ne venait troubler sa quiétude autre que celui de la terre et des airs à tel point que je n’avais jamais remarqué que derrière l’une des haies, séparé par un fossé, se trouvait un autre jardin. Aussi, grande fut ma surprise lorsqu’un soir d’été j’entendis une voix de l’autre côté. C’était un soir de pluie, mon cœur pleurait et j’avais appelé à l’aide. J’avais crié aux vents ma solitude et ma tristesse et une voix m’avait répondu.

Stupéfaite, je m’étais tu. Je m’étais crue seule. Jusqu’à présent seuls les oiseaux et les arbres répondaient à mes appels. Ce soir là une voix profonde s’était fait entendre, faisant naître un arc-en-ciel qui rayonnait d’une infinité de possibles. Les joues encore humides de la pluie, j’avais osé engager le dialogue. Sans se connaître ni se voir, nous avions conversé. Il m’apprit à écouter le silence, à entendre les murmures du vent et à voir le levant au couchant. Lorsque je revenais les jours suivants, je me pris à attendre ces conversations et à vouloir embellir mon jardin afin d’y inviter mon interlocuteur. Des impatiences étaient apparues et je vis aussi quelques coquelicots fragiles comme cette relation naissante mais dont le rouge égayait ce jardin.

Jour après jour par ces quelques coucous, il soignait mes bleus à l’âme, jour après jour, il m’apprivoisait. Comme le renard j’étais prudente, comme le petit prince il attendit jusqu’au jour où j’en étais venu à vouloir connaître cette voix. Je fis une brèche dans la haie et nous construisîmes un pont. Timidement, je le traversais pour découvrir de l’autre côté un jardin extraordinaire qui ressemblait un peu au mien, miroir de vénus à la beauté douce amère. Il m’accueillit et m’offrit un bouquet de simples qui embauma mon cœur. Assis à distance respectable l’un de l’autre, nous bavardâmes un long moment et lorsque vint la nuit, c’est à regret que je m’en retournai avec l’espoir secret qu’un nouveau jardin vît le jour. La brèche était faite, le pont était là et il semblait tout aussi désireux que moi de ne pas laisser les épines reprendre le dessus.
Dans mon jardin, je n’avais pas de compagnons, aussi espérais-je que le vent de ses silences ferait fleurir en rose ou blanc ces graciles corolles. Au fil du temps, nous avions appris à nous connaître et nous passions parfois de long moment à philosopher et l’herbe faisait à la sagesse un doux tapis sur lequel nous aimions nous étendre. Il m’enseignait et j’écoutais avec mon cœur d’enfant, avec mon âme nubile afin de pouvoir, un jour, qui sait, cueillir le sceau de Salomon pour embellir la nuit.

L’hiver est revenu traînant son long manteau de froid et de pluie dans lequel mon cœur s’est pris. Les fleurs se sont fanées hormis les pensées et quelques soucis. Alors, pour ne pas oublier, j’ai fait un bouquet d’immortelles. Lorsque l’encre aura séché, je les lui offrirai … peut-être.

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La poésie est un chant et une parole.
C'est une parole qui parle à la parole de l'homme et qui permet, si elle est entendue, la part miraculeuse de l'existence - Gabriel Mwènè Okoundji -



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