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Esprits-rebelles
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28 août 2012

La lettre

« Mon Ami,

Le rêve, comme une brume matinale, s’est dissipé découvrant l’amertume d’une réalité qu’il me faut affronter.

Lorsque tu m’as tendu la main, avec confiance je t’ai suivi. Je ne regrette rien. L’espoir illusoire que j’ai cru voir un instant a été emporté par l’océan. Mais je suis seule en cause. J’avais la certitude de pouvoir affronter plus grand que moi car tu avais ouvert la porte d’un au-delà, les démons ont été plus puissants. L’obscurité a eu raison de mes ténèbres, la nuit s’est assombrie et j’ai sombré au néant d’une folie qui n’était pas la mienne.

Je me suis échouée aux rochers d’une vie que je croyais pouvoir quitter. Mais les Nornes veillent et je ne peux leur échapper. Elles tissent une toile au dessein inconnu et tu en fais partie je le sais désormais. Elles m’ont laissée imaginer que j’étais maîtresse de mon destin, que ma mort m’appartenait. Elles m’ont laissé l’orgueil de croire que mes arabesques avaient conquis ton cœur alors que ce sont elles qui ont tressé ce lien, fil d’épeire tendu au-dessus de l’abîme d’un désespoir qui se perd en lui-même. Fil gracile où perle la rosée d’un sentiment et qui retient mon âme. Ma plume assoiffée boit à cette rosée pour t’écrire aujourd’hui.
 
Tu dis que je sais faire jouer les mots. Mais je ne suis qu’un instrument. Autrefois, il suffisait d’un rien pour que les cordes de mon cœur vibrent et que se fassent entendre la musique des saisons, pourtant il manquait l’âme du musicien. Lorsque je me suis brisée, bien que je n’aie vu, au début, ni l’archet, ni la main qui le tenait, j’ai senti la patience de cet amour qui a su réparer avec tendresse et bienveillance mes déchirures. Au la d’une gamme dont j’ignorais la clé, j’ai été accordée.

Ce n’est pas moi qui joue. Non. Doucement, de son archet, le musicien caresse mes pensées. Elles ne raisonnent plus. Elles chantent et font vibrer ma poésie au diapason d’un amour que je découvre. Dès lors, il m’est impossible de dessiner encore la violence et les blessures sanglantes engendrées par l’obscur et qui me déchiraient. Le sable a bu toute ma souffrance. Les larmes se tarissent et je me laisse aller à ressentir cette passion, née des caresses de l’archet. A cause, ou grâce à lui, je suis devenue sensible au moindre souffle et le monde entier joue sur moi et fait résonner les cordes de mon âme. Un jour, qui sait, tu liras mes écrits, poésie malhabile, tendre ou passionnée, sombre ou amère. Peut-être alors comprendras-tu l’ampleur de ma folie.

Parfois, je voudrais pouvoir partager autre chose que mes mots. Le chant des mésanges au levant d’un matin froid, les étoiles qui scintillent et s’égouttent aux branches d’un marronnier, la terre encore pâle du feu glacé de la nuit, un souffle au crépuscule qui fait bruire le silence.

Parfois, je voudrais juste pouvoir entendre ton rire. Il réchauffe mon cœur et éclaire mes sourires comme seul peut le faire le rire d’un ami dans le partage d’un instant de bonheur. Parfois… Mais voilà, je suis seule et d’ami je n’ai point pour partager la douceur d’un présent qui s’écoule au fil de l’eau d’un ruisseau de campagne. Tu es bien loin.

L’amour se joue de nous et la passion détruit nos cœurs infidèles à eux-mêmes. Mon âme a faim et se cherche au désert de cette vie. Elle oscille entre Prométhée et Tantale crucifiés pour avoir osé défier les dieux et pour avoir aimé les premiers hommes. Mon cœur se déchire sitôt que naît l’espoir et rien n’étanche la soif que j’ai de retrouver cette porte hors moi où tu m’avais menée. L’absolu de mes mots ne peut se satisfaire d’un jardin de rose. Seul es-tu, peut-être, à connaître l’unique qui grandit dans mon cœur.

Partout le monde se désagrège, partout le ciel est enterré et j’ai perdu mes rêves. Je m’accroche à ce lien qui me relie à une vie que j’aurais voulu fuir de nouveau. Me diras-tu mon Ami, si j’ai fait le bon choix ? Si la douceur d’un amour hors du temps vaut mieux que l’amertume du néant ? Crois-tu que l’on puisse déjouer le dessein des Nornes et dessiner sa propre vie, sa propre mort ?

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La poésie est un chant et une parole.
C'est une parole qui parle à la parole de l'homme et qui permet, si elle est entendue, la part miraculeuse de l'existence - Gabriel Mwènè Okoundji -



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